La pastilla est un monument de la cuisine marocaine, synonyme de raffinement et délicatesse.
Aujourd’hui, quand on parle de “cuisine”, c’est plus synonyme de gastronomie voire de gastronomie raffinée, de chefs étoilés ou encore d’émissions à rallonges de téléréalité que de bons petits plats de grands-mères. Mais la vraie cuisine, celle qui nous fait fondre et retourner en enfance, comme moi aujourd’hui, c’est bien celle des souvenirs dans nos cœurs. La cuisine d’une mère, d’une grand-mère, d’une tante ou…. celle d’une dada !
Qu’est-ce qu’une dada ?
Oui, l’art culinaire marocain a été perpétué par des dadas, des femmes cuisinières, autrefois au service de riches familles. Il en existe encore beaucoup aujourd’hui et elles continuent de transmettre, de génération en génération, leur savoir-faire.
Toute famille de notables se devait d’avoir une, deux, voire plusieurs dadas. La dada était un des piliers de la maison et occupait plusieurs fonctions. Elle était à la fois la cuisinière, la nourrice, la femme de ménage, la confidente la et gardienne de tous les secrets de famille.
Et justement en parlant de pastilla, ce sont les dadas, ces gardiennes d’un art ancestral, qui sont à l’origine de cette entrée mythique.
À nouveau, départ pour Fès, ma ville natale, une ville reconnue patrimoine mondial de l’UNESCO, qui a fabriqué des cuisinières aux mains d’or qui ont beaucoup contribué à l’excellente réputation si justement méritée de la cuisine marocaine.
Qu’est-ce que la pastilla ?
La pastilla, appelée aussi bastilla, bestilla, bstella, bastilla, ou bstilla, est l’un des mets marocains les plus célèbres et les plus marquants. Le terme pastilla est d’origine espagnole, dérivé du terme pasta (pâte, en français).
Quelle est l’origine de la pastilla ?
L’histoire raconte qu’en 1492, lors de la chute d’Al-Andalus, chassés de l’Espagne après la Reconquête de Grenade, les Maures se sont réfugiés au Maroc et ont apporté avec eux leurs traditions et une multitude de recettes, dont la pastilla.
Mais pas seulement les Maures. La pastilla aurait également des origines juives séfarades. En effet, lors de l’expulsion des juifs d’Espagne par Isabelle la Catholique, il y eut une grande vague d’émigration de juifs vers le Maghreb, qui apportèrent également avec eux leur savoir-faire.
Les Maures et les juifs avec, pour chefs d’orchestre, les dadas pour une entrée absolument délicieuse !
Comment faire la pastilla
La pure tradition veut que l’on utilise du pigeon pour cette recette, mais il peut être remplacé par du coquelet. Mais du poulet fermier, plus tendre, ferait très bien l’affaire aussi.
En plus d’être servie dans tous les restaurants marocains du monde, la pastilla est le plat de fête par excellence. Une entrée qui s’invite à tous les festins : les mariages, les naissances, les circoncisions, etc.
Elle est un des mets les plus vieux à base de mélange sucré / salé. Elle se présente sous forme de tourte dont la farce est enfermée dans plusieurs couches d’une pâte extrêmement fine que l’on appelle, au Maroc, warka ou warqa (feuille de papier, en arabe).
En France, les deux seules alternatives sont la feuille filo ou la feuille de brick, industrielles qui, je dois avouer, n’ont strictement rien à voir avec la traditionnelle warka de mon enfance tant au niveau du goût qu’au niveau de sa texture.
La farce de la pastilla contient de la volaille, des œufs battus, des amandes, des oignons, du suçre et des épices, le tout délicatement parfumé de cannelle.
C’est une recette longue à réaliser, dont, bien souvent, on commence à en préparer la farce la veille.
Je l’ai concoctée lors du passage de Mike à Paris, pour un repas de shabbath chez la famille de Mike où j’étais invitée.
Une légende marocaine affirme qu’une bonne recette de pastilla qui se respecte ne peut s’écrire en moins de mille mots.
Je m’en vais donc compter les mots d’une recette que je vous ai contée et que j’ai préparée avec passion ! Et même si elle ne comptait pas mille mots, sachez qu’elle était malgré tout délicieusement bonne !
Cette recette est validée par notre experte culinaire marocaine, Bouchra Lakouanane, auteur du blog de cuisine marocaine Ma Fleur d’Oranger.
- 10 feuilles de brick
- 150 g de beurre doux , fondu (pour beurrer les feuilles)
- 1 blanc d’oeuf , battu (pour souder les feuilles)
- 2 cuillères à soupe de sucre glace
- Cannelle en poudre (au goût)
- 2 gros coquelets
- 50 g de beurre doux
- 1 bouquet de persil plat , haché
- 4 gros oignons , tranchés en fines lamelles
- Quelques pistils de safran
- 1 bâtonnet de cannelle
- 4 cuillères à soupe de sucre en poudre
- 6 œufs , battus en omelette
- Sel
- Poivre
- 1 cuillère à soupe de gingembre
- 1 cuillère à café de curcuma
- 150 ml d'eau froide
- 200 ml d'huile de tournesol
- 250 g d’amandes , mondées
- 2 cuillères à soupe de sucre glace
- 1 cuillère à café de cannelle
Dans un grand faitout, faire fondre le beurre sur feu moyen. Déposer les coquelets et faire dorer tous les côtés pendant quelques minutes.
Ajouter les oignons, le persil, le gingembre, le curcuma, le safran, le sel, le poivre. Verser dessus les 150 ml d'eau froide, bien mélanger et cuire à feu moyen pendant 35 minutes.
- Retirer les coquelets de la sauce, les désosser et couper la chair en menus morceaux.
- Remettre la sauce sur le feu pour réduire jusqu’à évaporation complète du liquide en remuant sans arrêt. Ajouter la cannelle et le sucre pour faire caraméliser les oignons.
- Ajouter les oeufs aux oignons caramélisés en remuant sans arrêt et énergiquement . L'appareil doit avoir une texture d’une crème bien épaisse. Faire évaporer toute trace d’eau.
- Déposer une casserole à revêtement antiadhésif (très important) sur un feu moyen / fort. Sans attendre que l'huile chauffe, y plonger les amandes mondées et les frire (sans les brûler) quelques minutes jusqu’à obtention d'une couleur dorée.
- Égoutter les amandes et les concasser au robot avec la cannelle et le sucre glace.
Préchauffer le four à 185˚C.
- Beurrer un moule rond (type plat à tarte profond par exemple).
- Bien beurrer chaque feuille de brick. Important : le côté beurré des feuilles doit être toujours vers le haut.
- Au fond du plat disposer 4 feuilles de brick en les chevauchant l'une sur l'autre et en laissant déborder environ la moitié de ces 4 feuilles à l’extérieur du moule.
- Ajouter une feuille au centre pour consolider le fond de la pastilla.
- Disposer sur les feuilles une couche d’oeufs en répartissant de façon homogène pour couvrir la totalité de la surface. Couvrir avec une feuille de brick. Ajouter de la même manière les coquelets et couvrir avec une autre feuille de brick. Déposer enfin les amandes concassées.
- Replier les bords des feuilles qui débordent vers l’intérieur en les rabattant au centre et en appuyant légèrement pour qu’elles épousent la couche d'amandes. Enduire de blanc d’oeuf pour souder les feuilles.
- Recouvrir de 2 feuilles pour fermer la pastilla, et rentrer les bords vers l’intérieur du moule.
- Badigeonner les bords de la dernière feuille de blanc d’œuf afin qu’elle adhère bien et ne se décolle pas pendant la cuisson.
- Badigeonner la surface de la pastilla de beurre fondu.
- Enfourner 30 minutes ou jusqu’à ce qu’elle soit bien dorée.
- Dresser la pastilla sur son plat à servir. Saupoudrer de sucre glace tamisé et de cannelle et servir chaud.
Yummy!
Sincèrement bravo. All the best to you and the blog.
Merci beaucoup Eva !